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L'EXAMEN DES OEUVRES: LES TECHNIQUES D'IMAGERIE SCIENTIFIQUE




   
La première étape de toute étude d'une œuvre picturale, que ce soit pour la restaurer ou approfondir la connaissance de celle-ci,  consiste à la décrire morphologiquement, à l'aide de plusieurs techniques d'examen par imagerie. Ces clichés scientifiques accompagnent donc le travail des conservateurs, des restaurateurs et des historiens de l'art puisque l'étude d'une oeuvre d'art commence toujours par l'analyse de ces clichés. Ces méthodes sont:




-La photographie en lumière directe (LD) qui a pour objectif de reproduire une œuvre afin de mieux l'étudier et de l'archiver, d'en restituer le plus fidèlement possible le ton, la valeur ,la pureté avant restauration. La lumière utilisée lors des séances photos tente de se rapprocher le plus de la lumière du jour grâce à des flashs électroniques qui procurent une température de couleur constante (5500 kelvins).  Les images numériques capturées, vues d'ensemble et détails, sont en mode RVB (rouge-vert-bleu) ou en noir et blanc ( utile pour procéder à l'examen et à l'interprétation du cliché en infrarouge noir et blanc, il met l'accent sur l'architecture et l'ordonnance de la composition en supprimant le chromatisme et les couleurs ). Les historiens d'art et les vrais connaisseurs ont un faible, voire une prédilection pour les reproductions des œuvres en noir et blanc. NB: cette technique est appliquée, à l'inverses des autres qui ne s'appliquent qu'aux oeuvres picturales, à tous types d'oeuvre.



Mademoiselle Gachet
Vincent Van Gogh
0,458m x 0,550m
Paris, Musée d'Orsay

Photographie en lumière directe.


Vierge à l'Enfant
(Ecole Flamande, fin XVe siècle)
0,53 m x 0,38 m
Paris, Musée du Louvre

Photographie en lumière directe noir et blanc.


La famille de l'Artiste (détail)
Jacques de Lajoüe (1686 - 1761)
Paris, Musée du Louvre

Photographie en lumière directe.


Nymphe et Satyre, dit aussi Jupiter et Antiope
Antoine Watteau (1684-1721)
Paris, Musée du Louvre

Photographie en lumière directe.


-La photographie en infrarouge noir et blanc (IR) fait pénétrer notre regard dans le domaine de l'invisible (800 à 900 nanomètres, soit les infrarouges). En fonction de l'absorption des différents constituants de la couche picturale, elle fait apparaître, sous  les vernis et certains glacis (couches supérieurs picturales), le dessin préparatoire, les mises au carreau et certaines améliorations de l’œuvre, les repentirs. Les accidents difficilement observables en lumière directe, comme d'anciennes restaurations (ajouts et  vernis), sont mis en évidence: le rayonnement infrarouge peut révéler des informations obscurcies par les préparations au blanc de plomb sur la radiographie.




Vierge à l'Enfant

(Ecole Flamande, fin XVe siècle)
0,53 m x 0,38 m
Paris, Musée du Louvre

Photographie en infrarouge noir et blanc. On peut apercevoir
grâce à cette photographie les dessins préparatoires du visage de la 
Vierge et de l'enfant Jésus.



-La photographie en infrarouge fausses couleurs (IRfc) est réalisée à partir d'une photographie en lumière directe et d'une photographie infrarouge noir et blanc. A l'aide d'un logiciel, on procède à la sélection des différentes couches, issues des deux clichés : en les additionnant on obtient une nouvelle image en fausses couleurs qui fournit des indications sur des changements de composition effectuées par l'artiste.




La famille de l'Artiste (détail)
Jacques de Lajoüe (1686 - 1761)
Paris, Musée du Louvre

Photographie en infrarouge fausses couleurs. La robe auparavant
bleu apparaît rose (présence de lapis-lapis-lazuli).


-La réflectographie dans l'infrarouge (RIR) est effectuée à l'aide d'une caméra et d'un tube muni d'un filtre. L'éclairage est constitué de lampes allogènes de faible puissance, offrant une lecture dans les infrarouges ( 900nm à 1700nm, plus lointaines que celles offertes par la photographie infrarouge) qui permet de faire apparaître un éventuel dessin caché avec plus de finesse. La réflectographie , effectuée également par la juxtaposition d'images très nettes prises successivement, augmente le niveau de lecture et facilite l'identification de la technique et les matériaux utilisés par l'artiste.



-La photographie en lumière rasante (LR) met en évidence l'état de surface de l’œuvre et les caractéristiques de son support (réalisation par source lumineuse placée près de la surface du tableau ). les meilleurs résultats sont obtenus  par un faisceau environnant les 15° ( projecteur à lentille Fresnel ou flashs électroniques). La lumière rasante joue un rôle déterminant dans le contrôle de l'état de conservation: en soulignant toutes les inégalités de la surface et les reliefs (fentes, craquelures, soulèvements, enfoncements éventuels de la matière), elle met l'accent sur des dégradations qui peuvent conduire à des mesures de conservations. Des prises de vue rapprochées (macrophotographie) permettent aussi de mieux observer la facture du peintre.




Mademoiselle Gachet
Vincent Van Gogh (1853-1890)

0,458 m x 0,550 m


Photographie en lumière rasante: on remarque ici les différents couches 
de peinture ainsi que les traits de pinceau de Van Gogh.






Vierge à l'Enfant

(Ecole Flamande, fin XVe siècle)
                                                                     0,53 m x 0,38 m
Paris, Musée du Louvre

Photographie en lumière rasante noir et blanc, 
on remarque ici son état dégradé avant restauration.



-La photographie en fluorescente ultraviolette (UV) où seules les radiations ultraviolettes (320nm à 400nm) sont utilisées grâce à des sources de lumière telles que les tubes UV fluorescents ou les flashs électroniques munis de filtres. Cet éclairage a la propriété de provoquer des phénomènes de fluorescence (excitation de la phosphorescence de certains corps contenues dans l’œuvre). L'image met en évidence l'homogénéité des vernis a base de résines naturelles, différencie les repeints récents des repeints anciens, caractérise certains pigments en l'absence de vernis, met en évidence les ternissement de toile par vernis, et les moisissures.



Vierge à l'Enfant
(Ecole Flamande, fin XVe siècle)
0,53 m x 0,38 m
Paris, Musée du Louvre


Ensemble noir et blanc en fluorescence ultraviolette avant restauration.
On peut distinguer les repeints successifs et les restaurations (tâches sombres),
ainsi que les craquelures sur le visage de la Vierge.


La finette
Antoine Watteau (1684-1721)
Paris, Musée du Louvre

Photographie en fluorescente UV noir et blanc. On peut distinguer
les agrandissements périphériques du tableau grâce aux repeints 
à la jonction du panneau d'origine (lignes noires).



-La radiographie (RX) est réalisée à l'aide d'un générateur, d'un tube à rayons X, et d'un filme radiographique fixé au revers de l’œuvre mais les paramètres d'exposition varient en fonction des constituants de chaque œuvre. Elle permet d'obtenir un grand nombre d'informations sur la préparation, la couche picturale d'une œuvre, ainsi que sur les caractéristiques de son support et de son état de conservation. La première préparation des supports, souvent à base d'ocre ou de blanc de plomb, se concentre dans les interstices des mailles du tissage et fait apparaître, en raison des différentes épaisseurs la trame de la toile sur la radiographie. Au cours de la première fixation de la toile, des guirlandes se forment en bordure de celle-ci au niveau des clous ; leur présence suffit souvent à déterminer s'il y a eu modification du format du tableau ( la radiographie peut conserver l'image du tissage de la toile d'origine, même si celle-ci a été éliminée en partie). Certaines modifications concernant la composition sont aussi fréquemment observées.




                                        Nymphe et Satyre, dit aussi Jupiter et Antiope
Antoine Watteau (1684-1721)
Paris, Musée du Louvre

Radiographie conventionnelle. Le résultat est médiocre, le rendu confus. 
Cela peut être dû à une colle de rentoilage chargé en blanc de plomb,
ou à un produit de marouflage (recollage de toile).


Portrait d'Homme et Femme âgée
Hans Memling (XVème siècle)
Berlin, Gemäldegalerie
Paris, Musée du Louvre

Radiographie conventionnelle. Le tableau de La Femme âgée présente une cavité
en son centre, décelée grâce à la radiographie. Les deux être ont donc été désolidarisée
puis que le Portrait d'Homme présente en vis à vis la même cavité (ce que le paysage
similaire laissait déjà présager).


-L'émissiographie est une variante de la radiographie par émission d'électrons principalement utilisée pour les tableaux peints sur des supports opaques (métal, pierre, parquetage très épais) avec lesquels l'exploration par radiographie n'est pas suffisante. Cette technique d'imagerie enregistre l'émission des électrons secondaires provenant de la couche superficielle d'une œuvre lors de son excitation par rayons X est alors enregistrée sur un film (la méthode requiert un contact étroit entre le film et la surface du tableau) placé sur le tableau. Lorsqu'on compare le résultat aux images IR et aux RX, il facilite l'exploration de l'état de surface de l’œuvre. et seules les couches supérieurs participent à la production de l'image. Cette technique est utile pour déceler les modifications de la composition, les reprises ou retouches et les pertes de matière picturale. 




Nymphe et Satyre, dit aussi Jupiter et Antiope
Antoine Watteau (1684-1721)
Paris, Musée du Louvre

Emissiographie. Elle met ici l'accent sur la technique picturale de Watteau
et l'état de surface de la toile; elle permet de voir que la nymphe est peinte
au blanc de plomb (apparaît noir sur l'émissiographie), mais aussi de mieux
distinguer la zone de repeint dans le ciel.